C’était le 19 novembre 2020. Quelques jours seulement après le Japon et l’Amérique du Nord, où la console est arrivée en avant-première, Sony commercialisait enfin la PS5 dans nos contrées européennes, marquant ainsi le départ d’un nouveau chapitre dans la grande histoire du constructeur. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la machine aura alors connu un démarrage inhabituel, pour ne pas dire compliqué. Car pour des raisons indépendantes de la volonté de Sony, le fait est que la PS5 a vu le jour dans un contexte de pandémie mondiale inattendu, qui aura été à l’origine de bien des problèmes dans le monde de la tech.

Pourtant, les chiffres parlent aujourd’hui pour eux-mêmes, le constructeur semble avoir réussi à traverser cette crise avec une certaine efficacité, même si tout cela ne s’est pas forcément fait non plus sans quelques pertes et fracas. Car derrière des bilans financiers ouvertement très positifs se cache une certaine désillusion du point de vue des joueurs, qui peinent parfois à retrouver le PlayStation qui les a tant fait rêver du temps de la PS4. À l’heure où les prémices de la PS6 commencent déjà doucement mais sûrement à se profiler à l’horizon, un bon coup d’œil dans le rétroviseur nous semble ainsi plus qu’adéquat.

Après tout, alors que la PS5 célèbre aujourd’hui son cinquième anniversaire, quel bilan peut-on tirer de ce qui représente, comme l’a confirmé Sony, la moitié de la vie de la console ? Que peut-on vraiment en retenir, tant au niveau du hardware que du software ? Et au-delà même du point de vue purement commercial, les nouvelles stratégies mises en place par PlayStation ont-elles été payantes pour la communauté des joueurs ? En bref, la PS5 semble-t-elle partie pour s’inscrire comme l’une des meilleures générations de la firme japonaise, ou au contraire comme l’une des plus décevantes ? C’est ce que nous allons voir dans les lignes qui suivent.

Génération hardwares

Sony PS5 ventes mondiales
© PlayStation / Sony Interactive Entertainment

Commençons par le point de départ, à savoir celui sans lequel tout ce qui suit n’existerait pas : le hardware. Dotée d’un processeur Radeon RDNA 2 de 36 CUs à 2.23 GHz, d’un microprocesseur Ryzen 2 overlocké à 3.5 GHz, de 16 Go de RAM et de 10.28 teraflops, la PS5 s’impose d’entrée de jeu comme une belle bête de puissance. Certes, un peu moins que sa grande concurrente, la Xbox Series X, mais comme nous l’avait alors prouvée la précédente génération : sans maîtrise, la puissance n’est rien. Et s’il y a bien une chose dont il est impossible de douter de la part de PlayStation, c’est de la maîtrise dont savent faire preuve ses studios propriétaires.

D’autant plus qu’à tous ces composants viennent alors se greffer la prise en charge de nombreuses technologies supplémentaires. L’inclusion d’un SSD NVMe PCIE 4.0, ou « SSD magique » pour les intimes, vient par exemple offrir à la machine des temps de chargement ultra rapides, tandis que celle-ci peut également supporter des effets comme le ray tracing pour des expériences toujours plus impressionnantes manette en mains. Et parlons-en de la manette, justement. Car la DualSense, c’est aussi la pièce maîtresse de cette PS5, que PlayStation nous vend comme un hardware unique capable de repousser les limites de l’immersion.

Enfin, tout du moins était-ce le cas jusqu’à l’arrivée du PS VR2, qui s’inscrira comme une nouvelle tentative grandiloquente du constructeur de se faire une place dans le monde de la VR. Pourtant, la PS5 ne demeure pas en reste non plus. À toute une gamme d’accessoires premium (casque, écouteurs, station de recharge, manettes, façades, etc.) viennent par exemple se greffer diverses révisions hardware, qui conduiront à la sortie de la PS5 Slim en 2023, puis de la PS5 Pro en 2024. Et n’oublions pas non plus le retour de Sony sur le marché portable en 2023, avec l’arrivée du PlayStation Portal, accessoire dédié au remote play et, depuis peu, au cloud gaming.

Quand PlayStation se la joue Apple

Bref, autant dire que l’on perçoit plus que jamais une volonté de Sony d’investir lourdement dans le hardware… mais à quel prix ? Celui de la colère des consommateurs, sans aucun doute. Car cela reste, à ce jour, l’un des plus gros problèmes soulevés par le public ces cinq dernières années. Pourtant, avec un prix de lancement fixé à 499€, PlayStation avait frappé fort. Mais c’était sans compter sur ce qui deviendra alors un événement historique dans le monde du jeu vidéo : l’augmentation du prix de la console avec le temps. Aujourd’hui affichée à 549€ en Europe et à 599€ aux États-Unis, elle est donc vendue jusqu’à 100€ plus chère qu’en 2020. Du jamais vu.

Alors certes, pour la défense de Sony, le COVID et l’inflation sont passés par-là, entraînant ainsi une hausse des prix à tous les niveaux. Mais cela ne représente toutefois que la face visible de l’iceberg. L’autre se voulant, en réalité, être le témoin d’un PlayStation toujours plus cupide. Il suffit de voir les prix exorbitants pratiqués sur le hardware : 219€ pour un Portal, 449€ pour un PS VR2 (après réduction), 799€ pour une PS5 Pro, Sony a fait du jeu vidéo un véritable marché de luxe. Sans compter que le constructeur n’a pas hésité à retirer certains accessoires initialement inclus, comme le socle par exemple, pour les vendre en supplément au fil de la génération.

Et tout cela pour quoi ? Des technologies qui, à l’arrivée, ne sont même pas soutenues comme elles le devraient. Le PS VR2 ? Aussitôt lancé, aussitôt oublié. La DualSense ? À quelques exceptions près, tristement laissée de côté. La PS5 Pro ? Régulièrement victime de problèmes d’optimisation sur les jeux, et en attente d’une mise à jour de ses capacités. Le reste ? Des accessoires comme on en trouve beaucoup ailleurs, mais vendus à prix d’or pour la simple et bonne raison qu’ils sont estampillés PlayStation. Quant au PS Portal, il pourrait finalement s’avérer être la surprise de cette génération, même s’il n’a visiblement pas encore fini de faire ses preuves.

Et puis, il faut l’avouer, la PS5 a beau être une belle bête de puissance, on attend encore d’en voir les pleines capacités. Ce qui rend, d’ailleurs, l’existence d’une PS5 Pro d’autant plus anecdotique, même s’il est évident que cette machine s’adresse surtout aux plus technophiles des joueurs. Cela étant, regardons la réalité en face : il est aujourd’hui plus qu’indéniable que nous avons atteint un certain plafond de verre dans ce que les technologies sont capables de nous offrir sur le plan visuel. C’est peut-être triste à dire, mais nous ne vivrons sans doute plus jamais des gaps générationnels tels que nous avons pu en vivre jusqu’à la PS4.

Il suffit de voir des jeux comme The Last of Us Part 2, Red Dead Redemption 2 ou encore même Uncharted 4 : A Thief’s End, tous sortis sur PS4, pour s’en rendre compte. Mais c’est sans doute précisément sur ce point que PlayStation a manqué le coche avec la PS5. On ne peut peut-être plus pousser les visuels outre mesure – quoi qu’on attend tout de même de voir des jeux comme GTA 6 ou Intergalactic : The Heretic Prophet à l’œuvre –, mais on peut probablement pousser davantage encore des évolutions telles que le SSD ou la manette DualSense. Des jeux comme Ratchet & Clank : Rift Apart, Returnal, Astro Bot et même Split Fiction nous l’ont prouvé.

De « for the players » à « for the payeurs »

Ces questions de prix ne se retrouvent toutefois pas uniquement au cœur de la partie hardware. Car du point de vue des joueurs, c’est également une problématique que l’on retrouve bien ancrée dans la stratégie commerciale de PlayStation, où un véritable changement de cap s’est opéré. Alors oui, on le sait : à ce stade, le détournement du slogan de la marque en « For the payeurs » commence à sentir le réchauffé. Pourtant, le fait est qu’il reste d’une profonde justesse. Car la cupidité de Sony dont nous avons parlé plus haut, on la ressent aussi dans tout ce qui touche à la partie services et software.

Et pour le coup, cela a commencé dès le lancement de la génération avec la mise en place des mises à niveau payantes. Car là où Xbox se montrait justement très « for the players » sur la question, PlayStation, de son côté, a rapidement opté pour la mise en place d’une facturation lors du passage d’une version PS4 à une version PS5. Ironiquement, il s’agissait pourtant d’une belle évolution par rapport aux précédentes générations, qui imposaient aux joueurs de repayer plein pot leurs jeux sur les nouvelles plateformes. Mais les temps changent, et la pilule aura donc tout de même eu beaucoup de mal à passer auprès de la communauté.

PlayStation 4
© PlayStation / Sony Interactive Entertainment

Tout comme le fait de camoufler une partie de sa rétrocompatibilité derrière un service payant, là où, encore une fois, Xbox s’impose définitivement comme le meilleur élève sur la question. Car oui, on sera tous d’accord là-dessus : pouvoir lancer n’importe lequel de ses jeux PS4 sur PS5 est une bénédiction. D’abord parce que la machine dispose d’un catalogue de jeux extrêmement solide, mais aussi parce que cela marque le grand retour de la rétrocompatibilité après deux générations d’absence. Un geste à saluer donc, même s’il reste contrebalancé par le fait qu’on ne parle que de rétrocompatibilité partielle dans le cas des jeux antérieurs à la PS4.

Car oui, il est peut-être possible d’accéder à une liste de titres dits « classiques », c’est-à-dire issus des générations PS1, PS2, PS3 et PSP. Mais outre le fait que la liste est très réduite, il est alors obligatoire d’en passer par le palier le plus élevé du PS Plus, à savoir la formule Premium, soit la plus coûteuse aujourd’hui affichée à 16.99€/mois, ou 151.99€/an. Et pour ceux qui voudraient ne pas avoir à en passer par-là, il reste toujours possible d’en retrouver certains directement sur le PlayStation Store. Cela nécessite toutefois de repasser à la caisse une nouvelle fois, pour un jeu que l’on retrouvera alors dans son jus de l’époque. Ni plus, ni moins.

Autant dire qu’il est déjà loin le temps de la PS4, où Sony avait à cœur de chouchouter son public. Pourtant, rendons tout de même à César ce qui lui appartient : la refonte du PS Plus survenue en 2022 est sans doute l’une des meilleures choses que PlayStation ait accomplie sur cette génération. Car s’il était déjà assurément solide jusqu’à présent, le voir se muer en un service plus proche du Game Pass, capable de proposer tout une bibliothèque de jeux à moindre coût, et ce parfois dès le jour de leur sortie, cela n’a pas de prix. Ou plutôt si : celui, là encore, des multiples augmentations dont a été victime l’abonnement au fil du temps. On ne se refait pas.

Playstation_Plus_comparatif_et_guide_de_labonnement_Sony

Toujours parmi les meilleurs accomplissements de PlayStation ces dernières années, notons également l’investissement de plus en plus important de la firme dans le cloud gaming, qui s’est encore accéléré depuis la refonte du PlayStation Now en marge de celle du PS Plus. Et comme vient tout juste de nous le prouver la plus récente mise à jour du PS Portal, tout porte à croire que c’est encore loin d’être fini, ce qui est plus que positif pour les joueurs qui souhaitent pouvoir profiter de leurs jeux même lorsqu’ils sont en déplacement. Dommage cependant que, là encore, cet avantage soit camouflé derrière l’offre la plus coûteuse du PS Plus.

Pour finir, vous aurez sans doute remarqué que nous n’avons pas encore parlé de l’éléphant au milieu de la pièce : le prix des jeux. Car oui, la génération PS5, c’est aussi une hausse du tarif conseillé de ces derniers, qui est passé de 70 à 80€. Mais il faut dire que sur ce point, il reste difficile d’attaquer la position de Sony. Certes, à une époque où tout tend déjà à augmenter, cela peut être vu comme un problème. Néanmoins, il ne faut pas oublier non plus que si le coût de production des jeux a connu une hausse exponentielle au cours des dernières années, leur prix de vente, lui, n’avait pas évolué depuis longtemps.

Quand on sait que des blockbusters comme The Last of Us Part 2, Horizon Forbidden West ou encore Marvel’s Spider-Man 2 peuvent coûter entre 200 et 300 millions de dollars à produire pour PlayStation, on peut aisément comprendre qu’il soit nécessaire de rentabiliser l’investissement à un moment ou à un autre. Et pour les jeux de plus petit calibre comme Ghost of Yotei, Marvel’s Spider-Man : Miles Morales ou Astro Bot ? Sur ce point, Sony la joue comme Nintendo : pas de dévalorisation du produit avec un prix de lancement réduit, même si les coûts de production sont moins élevés. Pas très « for the players », on vous l’accorde, mais soit.

Une génération qui ronronne fort

Logo de PlayStation Studios accompagné d'images de jeux développés par ces derniers.
© PlayStation / Sony Interactivement Entertainment

Maintenant, le hardware et les services sont une chose, mais qu’en est-il des jeux ? Quid de ce qui représente, dans la vie d’un joueur, le véritable nerf de la guerre ? Sur ce point, le bilan semble assez contrasté. Car après avoir assisté, de la fin de la génération PS3 à la fin de la génération PS4, à une incroyable montée en puissance de la part de PlayStation, nous traversons depuis quelques années ce que l’on pourrait qualifier de ventre mou. En tout cas, d’un certain point de vue. Car si chacune des années de vie de la PS5 s’est accompagnée d’au moins deux productions PlayStation, l’aura que pouvait avoir la marque auparavant en a tout de même pris un coup.

Pourtant, les choses commençaient plutôt bien. Surtout compte tenu du fait que le début de la génération, et donc la production de bon nombre de jeux, ont été lourdement impactés par la pandémie de COVID-19. Entre novembre 2020 et juin 2021, ce ne sont ainsi pas moins de sept jeux qui ont vu le jour, parmi lesquels des suites variées (Miles Morales, Ratchet & Clank : Rift Apart, Sackboy : A Big Adventure, Astro’s Playroom), un remake (Demon’s Souls) et deux nouvelles licences (Destruction AllStars, Returnal). Ont suivi, dès 2022, trois nouvelles suites avec Horizon Forbidden West, Gran Turismo 7 et God of War Ragnarök, et un autre remake avec The Last of Us Part 1. Puis tout a ralenti.

En 2023, à l’exception du spin-off Horizon : Call of the Mountain exclusif au PS VR2, seul Marvel’s Spider-Man 2 a vu le jour. Un titre que l’on doit, d’ailleurs, encore une fois à Insomniac Games, qui a définitivement porté les débuts de la PS5 avec ses productions. En 2024 est ensuite arrivé Astro Bot, entouré par Concord, LEGO Horizon Adventures et le remake d’Until Dawn, ainsi que plusieurs second-party (Stellar Blade et Helldivers 2, notamment). On termine enfin en 2025 avec Death Stranding 2 : On the Beach et Ghost of Yotei, qui ne pourraient alors pas mieux nous conduire à souligner ce qui fait cruellement défaut à cette génération : l’innovation et la créativité.

C’était pourtant l’un des points forts de la PS4. Car si l’on veut bien croire que la pandémie a pu avoir un gros impact sur le calendrier des productions, expliquant ainsi – en partie du moins – pourquoi le rythme a ralenti après 2022, on regrette toutefois qu’après avoir lancé tant de nouvelles licences avec succès ces dix dernières années, PlayStation soit soudainement devenu si frileux à l’idée de continuer. Surtout quand on se souvient qu’il y a encore quatre ans, Herman Hulst, alors à la tête des PlayStation Studios, nous promettait près d’une dizaine de nouvelles franchises sur la vingtaine d’exclusivités en cours de développement.

Bien sûr, ne crachons pas non plus dans la soupe. Outre le fait qu’il est normal de voir PlayStation chercher à capitaliser sur les plus gros succès de la PS4, avouons également que tout ce que la firme a pu sortir, ou presque, s’est avéré être d’une grande qualité. Soulignons d’ailleurs à cet effet l’existence de titres comme Returnal et Astro Bot, qui figurent incontestablement parmi ce que la PS5 a pu offrir de mieux, et qui prouvent au passage que Sony peut exceller dans d’autres genres que ceux auxquels on l’associe généralement. Et c’est sans compter les nombreuses exclusivités tiers, qui ont elles aussi contribué à enrichir le catalogue.

Malgré tout, il est difficile d’ignorer la propension de cette génération à se reposer sur ses acquis, que ce soit en multipliant les suites ou, pire encore, en tombant allègrement dans le recyclage à outrance. Remakes, remasters et rééditions n’ont jamais été aussi nombreux que ces dernières années, où l’on a vu des licences comme The Last of Us, Horizon et Marvel’s Spider-Man être usées jusqu’à la moëlle de bien des façons. Sans compter que l’arrivée de tous ces jeux sur PC, grâce à la nouvelle politique de Sony entrée en vigueur en 2020, a largement contribué à accentuer ce sentiment, même si le public visé n’est évidemment pas du tout le même.

Plus encore, comme nous avons pu le mentionner plus haut, le fait est que le gap technologique se veut aujourd’hui beaucoup moins percutant qu’il ne pouvait l’être à une certaine époque. Par conséquent, si des remakes pouvaient avoir un minimum de sens auparavant, c’est beaucoup moins le cas aujourd’hui, où des remakes comme The Last of Us Part 1 et Until Dawn relèvent davantage de l’appât du gain qu’autre chose… surtout en étant vendus au prix fort. Et il en va de même pour la plupart des remasters de jeux PS4 qui ont vu le jour ces dernières années, et qui se veulent être la représentation même d’un PlayStation de plus en plus cupide.

Quand PlayStation mise sur les mauvais chevaux

multi The Last of Us Factions
Image du jeu multijoueur The Last of Us, aujourd'hui annulé © Naughty Dog / Sony Interactive Entertainment

Mais peut-on dire pour autant que PlayStation n’a pris aucun risque sur cette génération ? La réponse est non. Et paradoxalement, c’est bien là tout le problème. Car des prises de risques, il y en a eu, c’est certain. Mais elles étaient pour ainsi dire inconsidérées, et la firme en paye aujourd’hui le prix fort. Ce n’est pourtant pas un secret : réussir à insérer un jeu service sur un marché déjà surchargé en la matière n’est pas chose facile. Au contraire, même : cela relève presque de l’utopie, et un nombre incalculable de studios s’y sont cassés les dents. Vouloir en lancer douze en l’espace de quatre ans, donc, ne pouvait être que pure folie.

C’est pourtant ce qu’avait pour projet de faire Sony entre 2022 et fin 2026. Résultat : sur les douze jeux initialement annoncés, huit ont aujourd’hui été annulés, parmi lesquels notamment le jeu multijoueur de Naughty Dog dans l’univers de The Last of Us – qui faisait partie des rares à avoir été officiellement annoncés –, le jeu multijoueur de Bluepoint Games dans l’univers de God of War, et enfin le mystérieux jeu de Bend Studio. Pour le reste : Concord, sorti en août 2024, aura connu un crash monumental en ne tenant que deux semaines ; tandis que Marathon et Fairegame$ semblent souffrir d’un développement particulièrement compliqué.

Finalement, et sans doute contre toute attente, seul Helldivers 2 aura réussi à s’imposer comme l’exception qui confirme la règle, en se hissant parmi les jeux les plus suivis de PlayStation sur la durée, aux côtés de Gran Turismo 7, MLB The Show et Destiny 2. Cela dit, là encore, il est important de noter que dans le monde impitoyable du jeu service, la vérité d’aujourd’hui n’est pas forcément celle de demain. Car alors que PlayStation affirmait encore en août 2025 que Destiny 2 contribuait « aux ventes et aux bénéfices de manière stable », le dernier bilan financier de la compagnie, tombé le 11 novembre 2025, vient maintenant nous assurer le contraire.

Bref, autant dire que si l’on peut comprendre la volonté de Sony d’avoir sa propre « cash machine » à la Fortnite, miser autant sur un marché aussi instable relevait, en revanche, d’une inconscience évidente. Et le problème, c’est que les répercussions de cette stratégie ratée sont alors désastreuses à tous les niveaux. D’un point de vue financier, d’abord, puisque ce sont des centaines de millions de dollars investis à perte. Humain, ensuite, parce que cela s’est soldé par la fermeture de certains studios (Firewalk, Pixelopus, London) et de nombreux licenciements. Temporel, enfin, parce que PlayStation a alors perdu l’une des ressources les plus précieuses : du temps.

Car tout le temps passé par ces studios à œuvrer sur des projets annulés, c’est du temps qu’il va maintenant falloir consacrer à repartir de zéro. Et à une époque où les cycles de production sont de plus en plus longs, cela retarde d’autant plus le calendrier des sorties de l’éditeur, ce qui explique également pourquoi un tel ralentissement a pu être observé sur PS5. Alors oui, il reste bien des cartouches sous le coude à PlayStation avec, à notre connaissance, SAROS, Marathon, Marvel Tokon : Fighting Souls, Marvel’s Wolverine, Intergalactic : The Heretic Prophet et Fairgame$ notamment. Toutefois, cela n’effacera pas le ventre mou que nous avons connu.

Le retour de l’arrogance ?

Et le fait est que les répercussions de tout cela vont même bien au-delà des points que nous venons de citer. Car dans toute cette histoire, c’est également l’image de la marque dans sa globalité qui en a souffert. Déjà écornée par des politiques tarifaires et éditoriales qui sont loin de faire l’unanimité, celle-ci s’est également dégradée alors que PlayStation n’a cessé de s’enfermer dans une communication toujours plus froide vis-à-vis de sa communauté. Fini les conférences mémorables maîtrisées d’une main de maître. Fini les temps de communication parfaitement rôdés pouvant rendre même la plus petite des annonces exceptionnelle.

Snobant des événements majeurs tels que l’E3, la Gamescom et la Paris Games Week, le constructeur s’est peu à peu coupé de son public, privilégiant à la place des formats numériques qui, au fil de la génération, ont perdu de leur magie. C’est qu’ils sont loin, maintenant, les PlayStation Showcase qui nous faisaient rêver aux débuts de la PS5. Quelques posts sur le PS Blog entre deux State of Play inégaux, voilà ce dont il faut désormais se contenter la plupart du temps. De là à penser que, conforté dans sa position de leader, Sony ne ressent plus le besoin de séduire les joueurs et retrouve donc son arrogance des débuts de la PS3… il n’y a qu’un pas.

PlayStation au sommet de sa forme

playstation ps5
Avec la PS5, Sony n'a jamais gagné autant d'argent

Pour autant, disons-le clairement : PlayStation va bien. PlayStation va même très bien. Et cela pourrait paraître paradoxal au vu de tous les points que nous avons évoqués précédemment, mais les chiffres parlent pour eux-mêmes. Avec 84.2 millions de PS5 écoulées au 30 septembre 2025, Sony reste très loin devant son principal concurrent, Microsoft, et ses prétendues 28.3 millions de Xbox Series vendues en juin 2024. Un résultat d’autant plus impressionnant que cela positionne la PS5 juste derrière la PS4, écoulée à 86 millions d’unités au même stade de sa vie, malgré le passage du COVID-19 et de l’inflation.

Avec 80.3 millions de jeux vendus entre juillet et septembre 2025, la partie software n’est pas non plus en reste. En sachant que dans le lot se trouvent alors 6.3 millions de titres first-party, et que PlayStation en a profité pour annoncer que Ghost of Yotei, sorti le 2 octobre, s’est écoulé à un total de 3.3 millions d’unités en l’espace d’un mois de commercialisation. De quoi confirmer le très bon démarrage du titre de Sucker Punch, donc, qui suit pour l’instant les traces de son prédécesseur tout en s’imposant comme le meilleur lancement pour une exclusivité PS5 depuis la sortie de Marvel’s Spider-Man 2 en octobre 2023.

À ces chiffres, en hausse par rapport à ceux du même trimestre l’an dernier, viennent alors se greffer 119 millions d’utilisateurs pour le PlayStation Network, qui enregistre par conséquent de son côté sa troisième baisse consécutive. Cela dit, on reste toujours au-dessus des 116 millions enregistrés à la même période en 2024, ce qui reste donc plutôt positif. Enfin, avec un chiffre d’affaires de 7.2 milliards de dollars, Sony réalise des résultats en hausse de 4% par rapport à ceux de l’an dernier, malgré des bénéfices opérationnels en chute de 13%. Et cela ne tient qu’à une chose : la perte de vitesse de Destiny 2, qui ne performe pas comme espéré.

S’il fallait une preuve supplémentaire que miser sur les jeux service n’est pas forcément la meilleure des idées, nous l’avons. Cela étant, au-delà de renouveler sa volonté de continuer à investir massivement dans les jeux solos narratifs pour lequel il est réputé, PlayStation en a alors surtout profité pour revoir l’ensemble de ses objectifs à la hausse pour le reste de son exercice fiscal en cours, qui s’étendra jusqu’au 31 mars 2026. Autant dire qu’il n’existe pas meilleur signe pour mesurer la bonne santé du constructeur, donc, qui continue de faire de la PS5 la génération la plus profitable de son histoire… toutes consoles de salon réunies !

Bilan de la PS5 : tout est une question de point de vue

Photo du PlayStation Portal utilié en extérieur.
© Evgeny Opanasenko (Unsplash)

Vous l’aurez probablement compris à la lecture de ce (long) papier : arrivée à mi-chemin de son existence, la PS5 semble se trouver au beau milieu d’une étrange dichotomie. Si l’on se place du point de vue des joueurs, le bilan peut sans doute être qualifié de décevant, faisant ainsi de l’ère PS5 l’une des générations les moins enthousiasmantes de l’histoire de PlayStation aux côtés de l’ère PS3. Entre politiques tarifaires agressives, gestion éditoriale ronronnante et image de marque plutôt froide, on se trouve désormais aux antipodes du Sony de l’ère PS4, qui mettait le joueur au centre de ses considérations, en témoigne le slogan « for the players ».

Si l’on se place d’un point de vue business, en revanche, difficile de nier que l’ère PS5 est pour l’instant une franche réussite. Malgré un démarrage ralenti par une pandémie mondiale, Sony signe jusqu’à présent une performance impressionnante, qui surpasse tous les résultats (ou presque) enregistrés au cours des précédentes générations. Et à une époque où le marché est en pleine mutation, en témoignent l’arrivée des jeux PlayStation sur PC ou des jeux Xbox sur PS5, la position de la firme en tant que leader du marché des consoles de salon semble très bien partie pour se consolider avec ferveur.

D’autant plus que, soulignons-le encore une fois, la PS5 est encore loin d’avoir dit son dernier mot. À l’instar de la PS3, Sony pourrait bien lâcher les chevaux sur les exclusivités au cours des prochaines années, permettant ainsi à une génération jusqu’à présent relativement calme de repartir de plus belle pour nous rappeler les plus grandes heures de la PS4. De même, fort des performances inattendues enregistrées par le PS Portal, nous ne sommes pas non plus à l’abri de voir le constructeur retenter pleinement sa chance sur le marché portable après l’échec de la PlayStation Vita. Après tout, le moment pourrait bien être des plus opportuns.

Est-ce que la prise de risque serait réelle ? Assurément, surtout au vu des performances réalisées par la Nintendo Switch 2 depuis son lancement en juin dernier. Néanmoins, nul doute que PlayStation aurait alors une carte à jouer. Que ce soit en se positionnant d’un point de vue tarifaire par rapport à des Steam Deck et autres ROG Xbox Ally, qui attirent pas mal l’attention ; ou d’un point de vue technologique par rapport à la machine de Nintendo. Bref, que l’on soit satisfait de la PS5 ou non : les faits sont là, et une partie de l’avenir reste maintenant à écrire. Reste à savoir quel chemin suivra Sony : celui de la reconquête des joueurs… ou d’un marché encore plus grand ?